Combats de la 5ème Compagnie du
3ème R.I.A.
les 5 et 6 Juin 1940
à OFFOY (Somme)
Combats des 5 et 6 Juin 1940 à la gare
fluviale de VOYENNES et à la gare d'OFFOY-VOYENNES
(Canal latéral à la Somme, 5 à 6 Kms Ouest de HAM)
Situation succincte
Missions : S'installer défensivement sur le canal latéral à la Somme, en liaison à l'Est avec la 6ème Compagnie et à l'Ouest avec la 11ème Cie Tenir sans idée de repli.
Moyens - La 5ème Cie (moins 1 S. FV installée sur la ligne d'arrêt : station de HOMBLEUX) 1 S.M. 1 mortier de 81+ 1 canon de 37 + 1 téléphone.
Terrain et travaux au 5 Juin - voir croquis.
Nota : sur les 2/3 du front, le canal est en remblai. Le bois au Nord du canal masque tout l'horizon. Le rez-de-chaussée de la maison Sud de la gare OFFOY VOYENNES est aménagé en réduit (sacs à terre); 11 permet d'agir face à l'Est, au Sud, à l'Ouest; les fenêtres du 1er étage, non aménagées, permettent de plus de battre la plateforme de la gare chaque arme automatique dispose de deux plateformes de tir permettant le tir tous azimuts. Un panneau droit de fil barbelé protège le flanc droit du groupement R.
Dispositif : voir croquis.
Organisation du Commandement :
P.A. gare fluviale : s/Lt DAVID - 1 S F.V., 2 pièces mitrailleuses
P.A. du Pont-Rail : Lieutenant MACARIO,
- Sgt-Chef REVERSO : 1 GEV 1 pièce de mitrailleuses (R)
- Sgt VERRUYER : 1 GEV 1 pièce de mitrailleuses (B)
- Lieutenant MACARIO : 1 GFV 1 canon de 37 (M)
P.A. Gare d'offoy : Adjudant MARTIN : 2 groupes de FV
Réduit ………………. : Commandant du Sous-quartier
- Tranchée : P.C., sous-quartier : 1er Groupe de la section de commandement
1 Groupe de FV.
- Maison : 1 sergent, 5 hommes dont 1 observateur (toît)
1 F.M.
P.A. de la Station de HOMBLEUX : (1 km Sud, pas de liaison à vue) S/Lieutenant PUEL (C.A. Br)
- 1 S.FV (Sergent-Chef VEDEL)
- 1 Groupe de Mitrailleuses
- 1 canon de 37.
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LE COMBAT
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- Le 5 Juin à la station d' OFFOY
- Le 6 Juin à la gare fluviale de VOYENNES .
Combat du 5 Juin
I- Réduction des groupements R et B: 3 heures 454 h 30 environ
II - Attaques de la gare d'OFFOY et de M. :
- Sans appui d'artillerie : 5 h - 7 h 30.
- Avec appui d'artillerie : 9 h- 11 h 30.
III- Attaques successives par le Sud du Réduit et de M. : 13 h et 14 h 45.
I - Réduction de R et de B.-
Peu avant l'aube, l'unité vient de cesser le travail de nuit et d'entreprendre le travail de jour lorsque des armes automatiques crépitent à hauteur du pont-rail et de la gare fluviale. Quelques coups partent du boqueteau 7-7’ en direction de la gare d'OFFOY.
L'action s'intensifie rapidement de part et d'autre du pont-rail où les éclats de grenades se mêlent aux cris et aux commandements. On ne peut voir ce qui s'y passe, ni de l'observatoire ni de la tranchée CF, ni de M, la berge sud du Canal étant masquée par des lignes d'arbres et de buissons et par le boqueteau 7-7'.
Deux barrages de 60 et de 81 appliqués en 6 et vers 10 (où l'on entend des commandements) n'ont pas d'effet direct sur le combat. Vers 4 h 15, l'Adjudant MARTIN rend compte qu'il perçoit des hurlements en direction de R. Quelques secondes plus tard, le silence s'établit en R puis en B.
Vers 5 h 30, le lieutenant MACARIO me transmet le renseignement suivant : "Le Sergent-Chef REVERSO, le soldat GINESTE blessés, se sont repliés sur moi. REVERSO rend compte que R a été attaqué par la droite peu avant le jour, que ses mitrailleurs sont tous tués et les voltigeurs tués ou pris. L'ennemi a franchi le canal entre R et la 6ème Cie. Aucun renseignement sur B.-"
II -Attaques de la gare d'OFFOY et de M.
1°) 5h à 7h30, sans appui d'Artillerie. Depuis l'aube, l'action entre 7-7’ et M, C, F, ne s'est pas ralentie. Le groupe C a arrêté deux infiltrations vers le remblai 3. Une troisième tentative signalée vers 5 h. par l'observateur 20m Sud de 20- 16, est annihilée par le 60.
Vers 5h., l'animation, les cris, les fusées se multiplient. 7-7' prend de plus en plus violemment à partie les défenseurs de CF dont le parapet est, d'autre part, battu par des armes automatiques installées dans les arbres en 17; M, C, F, réagissent; le 60 et le 81 tirent au jugé sur 7-7'; M contrebat 17.Cette réaction est efficace, la pression ennemie est moins forte, de nombreux cris de douleur sont perçue en 7-7', les armes automatiques de 17 se taisent quelques instants.
L'ennemi a répété plusieurs fois cette tentative d'assaut de 7-7’ lorsque vers 6h, l'observateur signale une infiltration en 8-9. Cet angle mort pouvait être battu par "x" spécialement chargée de réaliser la liaison avec mon sous-quartier, mais "x" n'intervient pas. Le 81 on quelques obus fait refluer cet assaillant qui emporte ses hors de combat. De 7-7’ part un véritable feu d'artifice de fusées multicolores ; de 17, 5 à 6 armes automatiques mitraillent M, C, F. En 7-7', les ordres sont donnés. A plusieurs reprises, l'ennemi essaie de déboucher de 7-7'; il est chaque fois cloué sur le talus.
Le calme, à peu près complet, s'établit vers 7h30?
Depuis 4h30 environ, la gare fluviale est silencieuse.
Deux tirs d'arrêt demandée vers 4h et 5h30 n'ont pas reçu satisfaction. Vers 6h, la chenillette du Bataillon m'a remis en "co" des munitions de 60 et de 81; elle rapporte un compte-rendu sur la situation, une demande de munitions de toutes catégories et de fusées; je demande en outre le transport du tir d'arrêt sur 10 (berge française du canal, à 200 m. à l'Est du Pont-rail.
Mon cycliste, parti au P.C. du bataillon à HOMBLEUX n'est pas de retour à 7h30., J'y dépêche un coureur à 7h45 (situation, munitions, divers). Il n'est jamais retourné.
Vers 6h30, le Caporal NIQUET (du PA DAVID) m'apporte le renseignement. -"Le PA violemment battu à l'aube par des armes automatiques placées dans les arbres au Nord du Canal n'est plus inquiété depuis 4h30. La fusillade est vive à ma gauche.".
Vers 6h30, J'ai perçu un combat d'Infanterie vers le Sud (Direction HOMBLEUX).
2°) 9h - 11h30 Attaque de la gare d'OFFOY avec appui d'Artillerie
Vers 9h, pendant le combat, l'artillerie ennemie bombarde à plusieurs reprises la région Sud de la gare d'OFFOY. Les coups longs de 30 à 40 m. sont dangereux par leurs éclats seulement. Aucune perte.
Le biplan ennemi nous survolera de temps à autre malgré nos tirs. Vera 9h., avec l'appui de son artillerie et surtout de ses armes automatiques, tendant de museler M, C, F, l'ennemi essaie à deux reprises d'atteindre le remblai 3-4 et la route d'OFFOY en 11 par le cheminement 8-9-11. Les groupes M et C, le 60 interdisent 3-4 et le défilement 16-20 ; L'ennemi reflue en arrière de 7-7’. Mais le 81, malgré la précision de ses tirs, ne parvient pas à enrayer complètement la progression en 8-9 et des éléments apparaissent en 18, en 11, dans les blés. Ils y sont détruits par le F.M. du groupe Ca (une dizaine de cadavres restent sur place). A 10h environ, une arme automatique ouvre le feu de 12 sur F et Ca. Son tir de flanc et fichant, très dangereux, sera neutralisé par le F.M. du réduit à chacune de ses manifestations. Au même moment, l'observateur signale des mouvements vers 1 et l'apparition de deux pots fumigènes vers 20.
Le 60 continue son harcèlement en 16-7; le 81 tire deux obus sur B, des débris volent, on ne voit plus rien bouger (le Sous-Lieutenant DAVID apprenait le 6 la présence de 15 cadavres allemands entre 5 et B).
Le canon de 37, en 2 obus, fait exploser les 2 pots fumigènes ; l'ennemi, malgré l'ardeur qu'il y manifeste, ne sort pas de 7-7’. Vers 10h15, le soldat ADA DE-COHEN vient de F : "L'adjudant MARTIN a été blessé au cou en servant le FM du groupe FOURNIER, auquel trois hommes et le Sergent ont été tués. ISNARD & été tué en venant ici; il y a d'autres tués dans la tranchée; 1'Adjudant demande du renfort et un sergent tout de suite."
Le Sergent SANCINI, 2 hommes du réduit partent aussitôt, conduits par ADADE. Ils trouvent "F" vide, "C" occupé par l'ennemi, ils se replient sur le réduit.
L'Adjudant MARTIN pansé, mais chancelant, parvient à me rejoindre. "C'est fini, la tranchée a été prise pendant qu'on me pansait. Ah, mes pauvres soldats".
ADADE-COHEN, volontaire, FERRIE, reçoivent la mission d'interdire M toujours battu par les armes automatiques de 17, le réduit et la tranchée Ca sont violemment pris à partie par 12, 13, 14, du château d'eau (13) Le 60 au jugé et au 1er obus détruit l'arme automatique du château d'eau. Ce château d'eau n'est plus occupé.
ADADE met hors de combat plusieurs ennemis sur la plate- forme de la gare ; FERRIE abat deux adversaires devant la gare ; 12. est neutralisée, le FM Ca interdit la progression au-delà de 19. L'ennemi reflue partout ; le 60 et le 81 harcèlent la ligne 20. De nombreuses fusées sillonnent l'air en direction de 11 vers 11h30, le F.M. Ca interdit à nouveau le franchissement de 11 (passage à niveau) à un groupe de 5 fantassins qui sont tués dans le caniveau. De nombreux cris de douleur partent de la ligne 20-7-7’-8-9.
La pression ennemie cesse alors complètement.
Il me reste : 5 obus de 60, 4 de 81, 400 cartouches de F.M., la fusée 1 chenille verte (je tiens toujours).
Malgré la violence du feu (particulièrement inscrite sur les cloisons et façades du réduit) un seul homme a été tué. Vers 10h30, une colonne de 10 hommes non identifiés se dirigeait du bois de la 60 Cie vers le Sud. Qu'est-ce ?
- Aucune action apparente à la gare fluviale.
- Le silence en direction de HOMBLEUX.
- Actions d'Infanterie lointaines vers l'Est et l'Ouest.
- A 11 h 45, j'envoie au P.C. du Bataillon, par coureur, le compte-rendu : "Situation critique, je tiens toujours la gare avec le dernier groupe de combat. Envoyez d'urgence munitions toutes catégories." Le coureur n'est pas retourné.
- A 11h50, un agent de transmission porte au Lieutenant MACARIO l’ordre : "Repliez-vous sur le réduit, si vous le jugez possible ; emportez armes et munitions, moins le 37". Ce coureur n'est pas retourné.
- A 12h30, heure à laquelle le coureur parti à 11h45 aurait dû atteindre le P.C. Bataillon, j'envoie la fusée "1 chenille verte".
- A 13 heures, le Lieutenant MACARIO ne m'a pas rejoint. Aucun des coureurs ou cyclistes partis de mon P.C. depuis l'aube ne m'a rejoint.
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III - Attaques successives par le Sud, du Réduit et de M.
1.) du réduit - 13h - Tout d'abord, l'ennemi donne à son action frontale la même allure qu'à 10h30. Mais il n'est appuyé ni par l'artillerie, ni par 12, ni du château d'eau. M ne semble pas inquiété.
Le biplan ennemi d'observation nous survole lentement à basse altitude ; le F.M. Ca, les fusils tirent, son moteur semble flancher, il bat de l'aile, fait demi-tour vers le Nord et dis- paraît au ras du bois. A-t-il été atteint ? On ne le revoit plus. L'ennemi ne peut franchir ni la plateforme de la gare ni la ligne 19-18. Ses éléments en 19-18, objectif du F.M, du réduit, se replient à l'abri d'un talus et disparaissent dans les blés.
Le 60 et le 81 ont tiré leurs derniers obus sur 7-7' - 89. Apportant au réduit l'avant-dernière trousse de cartouches Cet deux trousses de cartouches D, je trouve des hommes toujours calmes et décidés. ADA DE-COHEN est l'admiration de ses camarades. Les cloisons sont littéralement criblées de balles. Le FM "12" qui m'a semblé tirer à mon aller ouvre le feu, trop tard, à mon retour dans la tranchée.
Vers 14h, l'ennemi semble cesser son action frontale. Quelques minutes plus tard, j'aperçois vers 16, sous les arbres, trois groupes de 7 à 8 hommes au-dessus des blés. La jumelle ne me permet pas de les identifier, l'Adjudant MARTIN, le Sergent JULLIEN hésitent comme moi. J'aperçois finalement les parements du col d'un Officier allemand briller dans un rayon de soleil. Je tire une rafale, trois corps tombent ; tout disparaît. J'indique l'objectif au soldat HAUTEVILLE ; il est tué au moment où il prend le F.M. par un fusil qui vient de se soulever à trente mètres à notre gauche.
Il me reste deux chargeurs pleins. Je cesse la lutte.
L'arme automatique n° 12 tire deux rafales sur nous au moment où nous sortons de la tranchée ; elle cesse son feu sur les gestes et ordres de l'Officier allemand.
La section ennemie nous remet à l'assaillant frontal au château d'eau et retourne à la gare.
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2°) Du Groupement M - Le Lieutenant MACARIO n'a pas reçu l'agent de transmission que je lui ai envoyé à 11h50. Pour me soutenir sur ma gauche, il a envoyé vers 12h30 le sergent-chef REVERSO, 6 hommes, 1 F.M. vers 16. Ce F.M. n'étant pas entré en action vers 13h, il ordonne au soldat CORSI d'aller voir ce qui se passe. CORSI trouve uniquement le F.M., il le ramène en M.
Le Lieutenant MACARIO ouvre le feu sur nous au moment où nous passons devant 7-7’, mais il me reconnait aussitôt.
Il continue sa résistance jusqu'à complet encerclement à très courte distance (vers 14 h 45).
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L'attaque frontale de la gare d'OFFOY avait été donnée par deux Compagnies, successivement, du 265e R.R. de Mainheim. Le Chef de Bataillon avait été tué. Dans les seuls arbres en 17, l'ennemi accusait une vingtaine de tués.
Rendant hommage à notre résistance, le Capitaine qui nous ramenait et qui venait de prendre le Commandement du Bataillon, nous demanda ce que je désirais. Mes demandes furent toutes satisfaites : soins de propreté, repos, nourriture, transport en camion jusqu'à une ferme de triage et de là à Cambrai où l'on me sépare définitivement de mes hommes.
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Je garantis sur l'honneur la véracité des faits ci-dessus pour en avoir été le témoin ou pour en avoir reçu semblable garantie du Lieutenant MACARIO (paragraphe 2 ci-dessus).
signé: LESNARD
Malheureusement il n'y pas le croquis afin de mieux comprendre ce témoignage ....